Revue Question de
C'est ce que je fais qui m'apprend ce que je cherche.
Pierre Soulages

La sexualité du couple dans l’attente de l’enfant

Auteur question de Hélène Sallez

C’est à la lumière d’une double expérience - la psychanalyse et l’haptonomie - que s’est constitué mon propos. La formation haptonomique vient toujours enrichir et transformer une pratique. Il n’y a pas d’haptonome ! Il y a des médecins, des kinésithérapeutes, des psychanalystes, des sages-femmes, qui ont ajouté a leurs formations initiales et à leurs pratiques celle de l’haptonomie fondée par Frans Veldman.

L’intimité lieu de la croissance psychique

L’intimité et la sexualité sont souvent réduites l’une à l’autre.
Pour nous, thérapeutes, cette question est vraiment grave dans la mesure ou l’intimité n’étant pas toujours respectée, la sexualité n’est pas davantage à sa place. C’est un travail psychologique extrêmement délicat, exigeant parfois de faire appel à des contextes thérapeutiques particuliers, que de permettre aux personnes qui ont souffert de manque d’intimité et de confusion dans ce domaine, de dépasser les difficultés liées aux situations qui n’ont jamais pu se vivre. Ces manques à être bloquent le développement de la personne dans son individuation.
Quand nous avons passé neuf mois dans le giron maternel, dans une intimité à peine imaginable avec cet intérieur de corps de mère, et non seulement l’intérieur du corps mais aussi l’intérieur de sa vie, de son être profond, et dans une intimité souvent très grande avec l’homme de cette mère et avec ses proches, il y a des ruptures que provoquent certaines naissances qui sont difficilement surmontables.
Cette intimité nous est absolument essentielle car nous ne pouvons pas nous développer sans ces deux dimensions de nous-mêmes dont nous avons besoin de faire l’expérience :
- d’abord le sentiment d’être identique, c’est-a-dire de pouvoir nouer avec un pareil ou une pareille une relation suffisamment proche pour pouvoir dire : " je suis comme toi" et sentir qu’il n`y à pas de risque de se confondre à partager à deux semblables un espace de vie ;
- puis cette intimité nécessaire avec l’autre différent, de façon que dans cette grande proximité puisse naitre tranquillement le sentiment que nous sommes différents et que nous pouvons cohabiter en sécurité dans cette différence qui n’exclut ni l’un ni l’autre. Mais avant-même de pouvoir se découvrir semblable et diffèrent, il est essentiel d’avoir été respecté, dans le mystère de cet inconnu qui ne se manifeste encore que comme vie naissante et secrète.

La confiance en la vie, un secret

Si cette intimité est différenciatrice, elle apporte aussi le secret nécessaire à l’accomplissement de certaines expériences humaines, et les enfants savent très bien nous le faire comprendre. J’ai toujours entendu dans la consonance du mot "secret", le mot "sacré".
Lorsqu’un petit enfant plie en douze des morceaux de papier, les met dans une enveloppe, met l’enveloppe dans un sac, le sac dans un tiroir, et dit : "Faut pas toucher !", c’est sacré. Et peu importe que je ne sache pas ce que c’est, ce que ca représente. Cela exprime certainement ce qui, chez tout être humain, a absolument besoin pour se développer, de savoir qu’il peut mettre quelque chose à l’abri, le cacher, et que l’autre respectera cela. Alors pour moi le "sacré" commence là.
La sexualité a, elle aussi, besoin du respect de ces dimensions-la pour s’épanouir. Il y a dans le terme "sexualité" une grande difficulté, parce qu’on peut y entendre l’activité sexuée, l’activité génitale, on peut y entendre encore la différenciation sexuelle, ce qu’on pourrait appeler "sexuation", c’est-a-dire constitution, confirmation des différences et donc de l`identité de la personne sexuée. Si, bien entendu, l’intimité n’est pas indifférente au fait qu’il s’agisse de deux personnes du même sexe ou de deux personnes de sexe diffèrent, il est nécessaire qu’il soit possible que cette intimité ne fasse pas appel à la sexualité génitale.

La ’parentalité " grandit avec l’enfant

Pourquoi avons-nous besoin de cette intimité sans sexualité, prégénitale ? Parce que, et nous le constatons dans notre pratique tous les jours, la possibilité d’être père ou mère, d’être parent à son tour, est intimement liée aux expériences précoces en général, et aussi a l’expérience des parents rencontrés aux temps de la vie prénatale. Dans cette possibilité que nous avons eue ou non, d’introjecter, c’est-a-dire de mettre à l’intérieur de soi une expérience qui a eu lieu, et de la garder comme bonne pour soi, de la développer en l`intériorisant, dans cette liberté-la réside la possibilité pour nous de devenir parents.
J’utilise le terme "parent" plutôt que le mot "mère" ou "père", parce qu’à mesure que le temps passe, j’ai plus de difficulté a définir très spécifiquement ce que c’est qu’être mère, ce que c’est qu’être père ; si ce n’est que dans les tout premiers temps de l’histoire d’un enfant, cela est assez clair : c’est la mère qui le porte dans son giron, et c’est le père qui est a l’extérieur, protecteur.
Mais lorsqu’il s’agit d’intégrer des conduites affectives, je préfère parler de "parents" parce qu’en effet, quand il s’agit de "veiller sur", le premier mouvement c’est de dire : "c’est du maternel !", mais ce n’est pas certain du tout. Lorsqu’un enfant développe cette capacité de veiller, et dans l’enfance ca commence très tôt, ce n’est pas sûr du tout que ce soit chez maman qu’il ait reconnu les qualités de veille et de soin. Il faut dire que la façon dont nous vivons complique un peu les choses.

Le père-docteur

Je suis allée visiter une jeune femme qui venait de mettre au monde son bébé. J’assistais dans la nurserie au change du bébé nouveau né de quelques heures et la puéricultrice me disait : "Vous savez, les bébés du Docteur X, on les reconnait tout de suite ! Dans la clinique il y a quinze médecins qui accouchent, eh bien les bébés du Docteur X, on les connait : ils ne pleurent pas, ils sont calmes et tranquilles."
Alors effectivement, cette première personne qui prend en soin et qui est du sexe masculin, la plupart du temps aujourd’hui, c’est le Docteur. De sorte que lorsque les enfants jouent au docteur, on peut se demander si on est seulement dans un besoin d’exploration corporelle ou si on est aussi dans un mouvement de recherche d’un masculin paternel qui prenne soin effectivement. Tout cela commence très tôt.
Lorsqu’un petit enfant est dans sa chaise haute, et qu’au moment où il prend sa cuiller, au lieu de la mettre dans sa bouche il la retourne vers maman ou vers papa, par ce geste qui vient au monde, avec cette conscience de pouvoir nourrir l’autre, de donner du bon à son tour, cela s’exprime. Cela commence aussi dans ce geste d’un petit enfant qui, sentant sa maman très déprimée, lui apporte son "dodo" et lui dit : "Tu sais, tu peux sucer ton pouce avec mon dadou !" et il y a déjà la quelque chose dont je ne saurais dire si c’est du paternel ou du maternel ; je dirai du parental, parce que ce qui se manifeste a ce moment-la, c’est la tendresse, et je crois que la tendresse n’est pas le privilège d’un seul sexe. Elle est notre bien à tous, et certainement ce fond commun d`humanité entre nous.
C’est pourquoi lorsque j’aborde la sexualité du couple dans l’attente de l’enfant, je veux parler de cette maturation des personnes : de l’accomplissement de l’être femme, de l’être homme, dans l’expérience intime d’être ensemble.

Qu’est-ce qui change à l’arrivée d’un enfant ?
Quand arrive-t-il ?
A partir de quand ! Qu’attend-on ?

J’illustrerai mon propos par une petite phrase qu’une de mes patientes a un jour entendue. Elle venait de mettre au monde leur premier enfant et, lors de leur premier rapport sexuel après la naissance du bébé, son mari lui dit : "Ca ne sera plus jamais pareil parce que maintenant on est des parents !"
Cet homme avait été marié une première fois et il avait déjà eu des enfants, mais dans ce nouveau couple il n’était pas encore père. Nous pouvons apercevoir a travers cette confidence émouvante, la subtilité de ces vécus : quelque chose était irréversiblement change. Je ne parviendrai pas à répondre à la question : qu’est-ce qui n’est plus pareil ? Je vais certainement poser plus de questions que je ne vais donner de réponses.
Il nous faut tout d’abord revenir succinctement au désir d’enfant.
Quand un couple se forme, il peut se constituer en miroir, c’est-à-dire : "Ah ! On est pareil, on a les mêmes goûts, on aime les mêmes choses, la même musique !" et parfois on fait le même métier. On est donne dans cette situation de rencontre avec son pareil du sexe oppose, ce qui est extrêmement séduisant et compliqué à vivre.
On peut aussi constituer son couple sur : "Ah ! Il fait tout ce que j’aurais aimé faire, il est tout ce que j’aurais aimé être !" Et dans cette relation-là, quelque chose de complexe et de très intense se joue car il est lui, celui qu’elle envie ou l’inverse.
Cette façon d’appeler les parents de cet autre-là -les "beaux parents"- est peut-être beaucoup plus qu’une façon de parler ; c’est-a-dire que ce sont ces parents-là qui ont donné naissance 51 cet autre-là que l’on n’est pas, que l’on ne sera jamais et qui est tellement merveilleux. Dans ces épousailles où l’on va jusqu’à appeler son beau père "Papa" et sa belle mère "Maman", il y a peut-être le désir et la possibilité de se remettre au monde à travers cet autre aimé et les parents qu’il a.
"Parle-moi de toi, tu me parles de moi." Nous allons, sans même le savoir la plupart du temps, nous parler l’un de l’autre en nous parlant l’un à l’autre. Peut-être l’autre va-t-il alors nous permettre de vivre certains aspects de la vie ou de soi qui jusque-là étaient inaccessibles, voire même inconnus.
C’est souvent avec le désir de mettre enfin au monde les parties de soi non nées, que le désir d’un enfant va devoir coexister dans une certaine inconscience.
J’évoquerai comme exemple, un homme d’une cinquantaine d’années qui, dans sa thérapie, avait exprimé pendant de longs mois ses critiques, ses plaintes, sa haine a l’égard de sa femme. Et puis un jour, sortant de sa neutralité bienveillante, la thérapeute lui demande : "Mais enfin, pourquoi l’avez-vous épousée ?" Il répondit : "C’est la seule personne au monde qui puisse tenir tète a ma mère !" Apparemment il fallait vraiment une nature particulière pour pouvoir tenir tête à cette mère terrible. Si on a facilement tendance à penser qu’une épouse puisse être certainement "quelque part" une mère pour son époux, bonne ou mauvaise, ou la mère qu’il n’a pas eue, il y a aussi du père chez une femme, et en l’occurrence, il me semble que cette compagne mettait entre le patient et sa mère une limite que le père n’avait jamais su mettre.
Ce père garant de la Loi, qui peut intervenir, c’est-a-dire venir entre la mère et son enfant pour les sortir d’une relation qui tourne au duel, ce père-la avait été manquant, et c’était dans la partie masculine et guerroyant de la psychè de son épouse qu’il avait trouve un soutien qui lui permette de tenir la tété de sa mare à distance de la sienne. Quel sacrifice faisait-il pour cela ! Il avait pendant des années renonce à une certaine attente de la vie en couple, simplement pour être, ou plutôt se croire à l’abri de sa mère, pour qu’une forme de présence paternelle advienne enfin, besoin d’enfant non satisfait.

Désir d’enfant, désir des origines

Il nous ramène très loin en arrière, et parce qu’il se constitue différemment pour nous tous. Je prendrai encore un exemple : je parlerai d’une jeune femme qui, au cours de sa thérapie, s’est souvenue que dans son enfance, sa mère l’emmenant à l’école en voiture, les jours où elle ne le pouvait pas, elle lui confiait une petite fille du voisinage à emmener a pied à l’école. Cet évènement l’a beaucoup marquée. Dans l’esprit de cette mère, à partir du moment où sa fille tenait la main de la petite voisine, elle était plus en sécurité que seule. Sans doute n’avait-elle pas tout à fait tort. On voit aujourd’hui beaucoup d’enfants paraitre rassurés par un chiffon qu`ils tiennent à leur main ; bien sûr ce n’est pas n’importe quel chiffon, il a une odeur, une histoire, il est animé... Dans le cas de cette petite fille, la compensation à la perte de protection de l’accompagnement maternel était, en protégeant un enfant à son tour, d’être reconnue comme protectrice et portée par cette confirmation. Et en effet, dans le souci de conduire la petite fille, elle se savait responsable de la petite et d’elle-même et cela rassurait la mère... Alors peut-être bien que le désir de veiller sur un enfant, de mettre au monde une vie nouvelle, font partie de ces réparations de ce qui nous a manque, de cette délégation que nous faisons parfois à un autre ; parce que nos projections participent de notre projet de vie.

Et puis je crois qu’il y a au fond de chacun de nous le désir profond d’être lié à un autre, d’être responsable, de veiller à la vie qui nous porte et que nous transmettons.

Dans ce couple et dans leur relation qui peut prendre toute la vie a être réparatrice l’un de l’autre, un espace se crée, un espace entre, un petit vide au milieu ; et quelque chose commence à ranimer en chacun des deux le désir d’enfant sous une autre forme ; le désir d’enfant enfoui en chacun devient un projet d’enfant à deux.
Lorsque ce projet d’enfant à deux se dit, c’est un moment de très grande émotion, une confidence inouïe. C’est reconnaître l’autre digne de porter et partager le besoin de procréer, de créer en avant, de poursuivre la vie humaine au-delà de soi : c’est avec lui ou avec elle que l’amour de la vie peut s’incarner. Ils se font confiance pour enrichir leur expérience humaine et ouvrir le cercle de leur amour à l’inconnu(e), à l’étranger familier : leur enfant.
A ce moment-là, ils commencent à en parler, à en rêver, de celui-là et aussi des autres, d’une famille ; et à travers toutes ces rêveries, ces échanges, commence à se dessiner l’enfant imaginaire qui va porter beaucoup, beaucoup de souhaits mais aussi beaucoup de refus : " Je ne veux pas qu’elle ressemble à ma mère !", "J’aimerais tellement qu’il ait tes yeux l"
Et puis des peurs aussi : cet homme qui disait : "Je voulais une fille avec des mollets de rugbyman !" Pourquoi ? La mère de cette fille hypothétique, qui n’était pas encore conçue, avait de fort jolies jambes et c’était beaucoup trop inquiétant d’imaginer une petite fille qui ait de jolies jambes aussi ; là déjà se disait une peur du père, de confondre, d’être séduit par une fille qui manifesterait sa féminité dans ses belles jambes.

Du désir d’enfant à l’annonce d’un enfant

Lorsque tout va bien, à ce projet d’enfant succède une annonce d’enfant. C’est d’abord la femme qui est confirmée, par le constat de l’autorité médicale, dans la maternité qu’elle porte en elle. Elle pourrait la garder pour elle et confisquer cette information à son compagnon. C’est-à-dire que des l’instant où elle sait qu’elle porte un enfant en elle, elle a aussi la possibilité de ne pas le garder ou de rester seule avec lui. Intervient alors ce que certains ont appelé avec beaucoup d’humour : l’annonce faite au mari. La femme est inséminatrice à son tour et ce sont ses mots et leurs images qui vont venir former la pensée du père. Dans un premier temps c’est cette phrase-là, comme elle sera dite mais surtout comme elle sera entendue, qui va se nicher dans la pensée du père et nourrir en lui les pensées d’enfant.
Comment cela s’annonce-t-il ?
C’est un moment grave, des paroles gravées, inouïes, inoubliables, inaudibles quelquefois, sur l’instant en tous cas, tant elles peuvent bouleverser, et je n’entrerai pas dans le secret de ces confidences.
Ce que j’ai entendu récemment dans mon cabinet, c’est comment une jeune femme en traitement avec moi après beaucoup de difficultés à être enceinte me l’a exprimé. Elle est arrivée en me disant : "Ca y est ! Je suis habitée !" Nous avons effectivement beaucoup travaillé ensemble sur cette difficulté pour elle à accepter d’être habitée.

Demeurer en sécurité chez soi, en soi, n’est pas toujours aussi simple qu’il y parait et la présence du bébé peut conforter ou ébranler ce sentiment ; elle est révélatrice en tous cas.

Certaines femmes peuvent déclarer qu’elles se sentent si bien quand elles sont enceintes qu’elles voudraient le rester longtemps, d’autres deviennent invivables. Ce sentiment d’être habitée vraiment peut parfois permettre enfin de donner de l’importance à sa vie a travers l’enfant porté ; certaines femmes ne se l’autorisent pas avant la grossesse. Enfin je crois qu’une femme est convoquée dans son corps, ou plutôt dans sa "corporalité animée" comme la nomme F. Veldman, par l’enfant qu’elle porte. Elle ne peut plus vivre a l’extérieur de sa corporalité lorsqu’elle est confirmée par la présence d’un être en devenir chez elle : il l’invite à y être aussi. Il y a parfois à ce moment des émotions très fortes, et cela peut être insupportable : il nous faudra y revenir plus loin. Mais voici que bébé a bougé ! D’être habitée surtout par l’annonce qu’elle est enceinte, elle va sentir qu’elle porte un enfant quand il bouge. Ce mouvement autonome lui signifie l’existence du bébé différente de la sienne ; c’est un étonnement devant une réalité qui s’installe. Par le mouvement l’enfant signifie sa présence, et c’est quelquefois une inquiétude ou même une angoisse s’i1 reste trop longtemps sans bouger. C’est ainsi que certains bébés sont hyper stimulés : il faut qu’ils rassurent l’angoisse, maternelle le plus souvent.
Il bouge, oui, il est vivant. On peut alors l’imaginer comme un poisson dans un bocal ; il glisse, il tourne, il s’agite... Mais il n’est pas comme un poisson dans l’eau. Il est avec son cordon et son placenta, enraciné clans une grotte de chair rose : il est attaché. Il bouge, mais bien plus bouleversant encore, il répond, et lorsqu’il sent qu’il n’est pas seul au monde, il recherche cette confirmation : il est relié au monde.
Lorsque la femme invite le père et lui dit : "Sens ! il est là " et que ce père parvient à transformer sa grosse main si active, parfois un peu calleuse, souvent trop nerveuse, en une main douce et paresseuse qui se pose et ne fait plus rien que dire "Je suis là" et attend seulement un signe, quand, à ce moment-là à l’intérieur du ventre de la mère ca tressaille, ça bouge, pour venir se placer sous la paume de la main, à ce moment-là ce n’est pas par le mouvement du bébé dans le giron, il est à peine visible, c’est dans les yeux du père qu’on sait qu’il a répondu. Il n’oubliera jamais cela.
Quand le bébé répond au père, il le confirme responsable : ce sont des mots de la même famille, et à cet instant ils sont tous les trois de la même famille. A partir du moment où un tout petit bébé dans le ventre de sa mère, répond, et il peut répondre aussi à une tante, à un frère, à une sage-femme, à un médecin ou à un thérapeute, il y a connaissance mutuelle et manifeste d’un lien, dans son expression la plus primitive qui dit : "Je viens vers toi", "Je suis là pour toi." Il n’y a rien à faire, c’est pour ne rien faire que d’être ensemble, affermis par cette rencontre, confirmés dans l’humanité qui nous lie et s’exprime sous la forme d’une communication affective primitive.
J’évoquerai une petite fille qui était dans le giron de sa mère depuis plus de cinq mois et qui s’était installée ce jour-là d’une façon fort inadéquate pour le confort maternel. La personne qui accompagnait le couple dans la préparation de la naissance de leur enfant, dit à la maman d’inviter la petite fille à se mettre de l’autre coté du giron. La maman invite son bébé, l`accompagne avec sa main et toute sa présence mais, lorsqu’il s’agit de passer de la droite à la gauche du giron, la petite fille ne veut plus se déplacer. Alors on essaie de comprendre, de sentir ce qui se passe, et on réalise que le papa est à droite ; alors on demande au père de venir
à gauche de son épouse... et la petite fille le suit !
Ce fut une prise de conscience partagée et très impliquante pour les deux parents. Lorsqu’une femme porte un enfant elle a vraiment besoin de savoir, de sentir qu’elle n’est pas seule à le porter, ni seule responsable ; qu’il est attaché à elle mais aussi à lui dans cette communication tactile, par un cordon affectif.
Dans ce temps de la rencontre du bébé dans le ventre de la mère, se constitue le "giron" : cet enfant d’abord imaginaire, puis l’enfant du ventre qu’on a senti bouger, vivant, va devenir maintenant l’enfant du coeur.
Ce passage de l’intuition à la sensation, à la pensée et enfin au sentiment, est une évolution que l’homme et la femme ont besoin de faire ensemble. A un moment ou à un autre, ils portent tous les deux l’enfant dans leur tête, à un certain moment la conscience est très aigue que c’est seulement dans le ventre qu’il est niché, mais très vite il est dans le cœur des deux : et c’est là qu’il est le mieux !
Dans cette rencontre psycho tactile du bébé in utero, il y a parfois des émotions très fortes, car dans cette sensibilité primitive où nous nous mettons pour placer toute notre présence dans la paume de notre main, et aller simplement dire : "Je suis là pour toi", il est fait abandon de beaucoup de choses ; et dans ces temps où nous abandonnons beaucoup du "faire" pour "être " seulement, et "être avec", surgissent des états d’âme. Je les nomme ainsi car je sais que c’est de cela qu’il s’agit. Ces états d’âme sont liés à notre histoire d’enfant.
Quand nous venons placer notre main et toute notre présence sur le ventre de la mère et que nous nous relions par ce cordon affectif au bébé in utero, c’est aussi le bébé en nous qui est touché, celui que nous portons toujours, bien souvent à notre insu. Cela peut être une révélation de soi, une confrontation d’une intensité difficile à supporter si on a été soi-même empêché de vivre les émotions et les demandes de ces temps de la vie. Ce vécu d`un contact signifiant la présence affective d’un autre est très rassurant, mais il est difficile de rendre compte de la sécurité qu’il procure hors de l’expérience qu’on peut en faire.

Le père et l’ouverture au monde

J’aurai du mal à trouver les mots justes pour évoquer ce qui peut être beaucoup plus qu’une intuition quand on travaille dans l’haptonomie, mais qui est tout de même d’un registre extrêmement difficile a coécrire avec les repères de notre sensibilité aérienne adulte : ce contact de l’autre sur le giron donne consistance à l’enveloppement maternel.
Je veux dire que le bébé in utero est dans un monde-mère, l’univers est matriciel, c’est le Maternel... Mais lorsque la main du père, ou d’un(e) autre vient fermement signifier qu’il y a un extérieur à ce monde-mère, alors quelque chose d’une sensation très profonde qui n’est pas vraiment la prise de conscience que je peux faire aujourd’hui en en parlant, se signifie et s’inscrit sous la forme d’une expérience sensorielle primitive de connaissance qui peut se dire ainsi : " Il y a un dehors à ce dedans", "Il y a une limite épaisse", " Il y a de la vie dedans et au-delà"...
Lorsque c’est le père qui le signifie, on ne peut espérer mieux. Pour- quoi ? Parce qu’a l’origine, dans l’oeuf, le père est présent : il est promis du paternel autant que du maternel. Et des qu’il se manifeste fidèlement à la promesse du début, l’enfant est apaisé ; son élan vital est conforté et nourri par cette affirmation : "Je suis là pour toi, je t’accompagne dans ta venue au monde." Et l’enfant le confirme par son apaisement au contact du père, que la mère seule ne parvient pas à donner, sa recherche de nouveaux contacts avec lui et les proches qui l’ont rencontré.
Nous sommes confrontés à une évidence complexe : il perçoit les différences et les apprécie. L’état fusionnel : mère-enfant fondus, confondus, appartient à la pathologie ; il s’agit d’une symbiose relative, au sein de laquelle le bébé est sensible a la qualité de l’investissement affectif de ceux qui l’approchent.
C’est ainsi que le père peut signifier son extériorité, en se profilant, en se présentant fermement à l’extérieur et diffèrent de la mère, mais avec elle dans une intimité tendre. Inviter l’enfant avec son coeur sans rien faire qu’être soi dans son authenticité est parfois une épreuve pour la virilité agissante d’un homme ; cela peut aussi être une révolution tranquille : pour la première fois on n’attend pas de lui qu’il découvre l’Amérique ou qu’il prenne la Bastille, mais seulement qu’il soit là. Et c’est bon pour les trois.
Par cette présence à l’extérieur, il est déjà dans sa position d’éducateur, dans le sens du mot éduquer : "conduire à l’extérieur".
Freud disait que c’est le père qui fait sortir l’enfant de la mère ; bien sur, c’est l’érection foetale, héritage paternel, qui pousse l’enfant hors du ventre maternel ; mais lorsque le père s’est présenté et qu’il y a déjà entre le bébé et lui, une connaissance sur un mode extrêmement profond et qui laisse des traces, celui du tact, c’est effectivement aussi vers son père que l’enfant va en naissant. C’est l’ouverture au monde que le père initie.
Ni la mère, ni le père ne l’expulse, il est accueilli par eux. Une collègue analyste disait un jour : "Les enfants pleureraient beaucoup moins en allant à l’école le jour de la rentrée si c’étaient les pères qui les y conduisaient !" Cette vocation du père de guider hors de la mère peut éviter le vécu d’expulsion, terme utilisé en obstétrique.
Expulser l’enfant, c’est nier l’instinct qui pousse à la relation : à connaitre l’autre et le monde qu’il annonce, et meut le bébé in utero vers le contact affectif qui lui est offert, puis vers le monde dont il a senti qu’il saura trouver le chemin.
C’est bien sûr l’affaire du couple, et c’est à ce point que nous mesurons la complexité de l’approche de l’enfant par son père, dans l’accès que la mère favorise ou non, et la possibilité qu’elle donne au père d’être aussi bon et aussi important qu’elle pour l’enfant. C’est dans la qualité de leurs échanges amoureux que s’initie le plaisir partagé dans les jeux prénataux, et réciproquement.
Une jeune maman disait : "En ce moment je n’ai pas envie qu’il rencontre le bébé, ça me dérange parce qu’il n’est pas tendre avec moi, il travaille trop ! Ca m’agace qu’il veuille jouer avec le bébé alors qu’il n’a pas de temps pour moi... Et puis il est trop brusque... Je me sens toute seule !"
Il y a une question latente dans mon titre, à savoir "la vie sexuelle du couple pendant la grossesse." Je ne donnerai pas à cela de réponse. C’est une question subtile et personnelle. Il est certain que tout ce qui affecte la sécurité affective, le sentiment de bien-être de la mère et du père aussi, aura des résonances chez l’enfant.
Qu’un acte d’amour entre un père et une mère qui attendent un enfant s’accomplisse dans la joie, le respect, la tendresse, ne me semble pas porter préjudice à l’enfant, au contraire. Peut-être même cela anticipe-t-il ces moments où les parents s’aimeront dans "la chambre d’a coté", où les échanges de ce couple viendront bercer le sommeil de l’enfant où le réveiller clans les cris. Lorsqu’un enfant se réveille la nuit en hurlant au moment de la rencontre sexuelle de ses parents, ce n’est pas seulement pour les empêcher de jouir de leurs ébats, comme on pourrait l’interpréter à la hâte ; mais peut-être parce que de l’angoisse circule, et il n’est pas impossible qu’il y ait méprise dans la rencontre amoureuse du couple.
Ce qui est certain, c’est que "ça ne sera jamais plus pareil !" Et si l’expérience d’attendre l’enfant se vit dans la tendresse, nous changeons.
Dans le rappel en chacun de nous de cette sensibilité prénatale que nous gardons tous et que nous pouvons retrouver, c’est ce que l’haptonomie nous montre, il n’y a rien à faire : seulement à reconnaitre ce que nous avons été et que nous avons oublié que nous étions. Lorsque nous venons ou revenons dans cette sensibilité originelle, cette " intelligence primitive" dans laquelle le geste, le contact affectif et les sentiments communiquent beaucoup plus que nous ne pensons, l’être -homme, l’être -femme sont transformés, et nous découvrons ce que nos parents ont laissé en nous de traces de la parentalité et de l’amour.

L’inévitable bonheur

Au tableau assez idyllique de l’attente d’un enfant que j’ai dépeint au long de ces lignes, il manque quelques réflexions autour de certains comportements qui surgissent parfois de façon tout à fait inattendue et nous dévoilent une ambivalence qu’il faut considérer.
Le premier, c’est la fuite.
Un certain nombre de signes de fuite peuvent apparaitre à l’annonce de la grossesse : l’homme refuse, s’en va, abandonne sa partenaire ; il fuit clans le travail, il écrit un livre qui l’absorbe complètement, son travail l’envoie a l’autre bout du monde. La femme aussi peut fuir : elle peut interrompre sa grossesse, la fuir en se mettant à faire tant de choses qu’elle ne pourra ni sentir ni penser à ce qui se passe en elle. De fortes angoisses peuvent surgir a ce moment-la : des angoisses matérielles liées a tout ce qu’il y a à résoudre comme difficultés pour accueillir un enfant, mais aussi des angoisses existentielles devant cette expérience très belle, trop belle parfois, de porter la vie en soi. J`ai beaucoup travaillé sur cela avec une jeune femme qui, après de nombreuses fausses-couches, a pu exprimer du plus profond d’elle-même : "C’est trop beau pour moi !" Il y avait quelque chose d’extrêmement blessé et dévalorisé qui ne pouvait pas tolérer la beauté de l’enfant en elle.
Une autre jeune femme s’interrogeait sur un souvenir étrange : après la naissance très réussie d’un bébé tant attendu, et après un instant d’intense communication avec son nouveau-né, les yeux dans les yeux, elle avait éprouvé le besoin de reprendre la lecture d’un livre terrible mettant en scène des atrocités de la vie : comme s’il fallait revenir de cette émotion esthétique hors du commun pour ne pas décrocher de la réalité, fut-ce par l’horreur...
Un autre avatar de cette attente se situe sur le registre de l’envie.
Il y a l’envie de ce qui nous fait défaut et que nous voyons ou que nous savons chez 1’autre, mais aussi l’envie de la vie de l’autre, l`envie d’être l’autre, de la relation que l’autre a avec le monde, avec le bébé in utero, par exemple.
Lorsqu’un petit enfant veut prendre la voiture de son petit voisin qui joue a coté de lui dans le sable, et qui fait "vroum, vroum", ce n’est peut-être pas tant la voiture dont il a envie, mais de cette animation magique qu’il y a d’un seul coup dans le tas de sable quand l’autre joue. Les fabricants de jouets ne s`y trompent pas en présentant à l`image des jouets qui bougent et font du bruit. Mais quand l’enfant se retrouve avec la voiture qu’il a enfin prise à son voisin et qu’elle ne bouge plus et ne fait plus de bruit, il est très déconcerté ; parfois il la jette avec rage, dans l’incapacité d’animer, de faire vivre sa relation a l’objet.

Lorsqu’un père enfante dans la douleur aussi...

Je vais faire une allusion rapide à un phénomène qu’on appelle " la couvade.
Dans certaines traditions, c’est une pratique tout à fait ritualisée, qui chez nous n’existe pas, mais que certains pères ont à leur insu. Il m’est arrivée de recevoir des hommes qui, au moment de la naissance d’un enfant, s’étaient trouvés contraints à prendre un congé de maladie, pendant la grossesse de leur femme ; c’était à cause d’un accident, d’un ulcère, d’une hernie, d’une colite ; c’était une sorte de "bébé digestif", car c’est plutôt dans le tube digestif que cela peut se vivre pour un homme, et c’était étonnant de sentir que cette prise en charge collective (par la Sécurité Sociale) permettait de vivre une "envie de giron" pourrait-on dire et mettait en actes un congé de maladie équivalant au congé de maternité de la mère.
Dans la couvade, c’est le mari qui se couche, qui souffre, qu’on plaint et qui reçoit des cadeaux. Il peut même rester alité deux mois, son bébé sur le ventre, et on respecte cela. Tout est bien ritualise, ce qui permet de comprendre l’évènement dans un contexte de normalité, de le contenir au sein du groupe. Il arrive parfois à certains hommes de découvrir, mais sans pouvoir l’exprimer, que mettre un enfant au monde souleve des émotions énormes qui les renvoient à leur propre naissance. Nous savons que certaines femmes ont une dépression "post-partum" probablement liée à une dépression primaire du nouveau-né qu’elles ont, passée inaperçue a ce moment-la. Aussi je ne vois pas pourquoi un homme ne vivrait pas lui aussi une dépression "post-partum", puisque la très grande proximité de la naissance de son enfant peut ranimer la sienne, et le renvoyer à des situations de détresse que certains bébés traversent en se séparant du corps de leur mère.
Sans doute cette période est-elle un moment privilégié pour renouer avec une vie émotionnelle dont beaucoup d’hommes déplorent d’être coupés. Il faut que ce soit bien mis en scène, bien ritualise, cette couvade, pour qu’un homme ait le droit de faire une vraie "déprime" après la naissance de son bébé, et de rester corps a corps, peau a peau avec lui, suffisamment longtemps pour pouvoir réparer, en l’approchant ainsi, ce que sa femme a eu la chance de vivre, que lui n’aura jamais la chance de vivre de la même façon, et qui, de surcroit, a pu manquer au bébé qu’il a été.
Nous en venons au point le plus important a mon sens : si la différence des sexes est visible très tôt pour la petite fille, c’est-a-dire que très tôt elle peut constater que le petit garçon a quelque chose qu’elle n’a pas et n’aura jamais, il faudra peut-être beaucoup de temps pour que le petit garçon devenant homme puisse sentir, parce que cela ne se voit pas, mais se devine lorsqu’elle est enceinte, ce que la femme a en elle, qu’il n’a pas et n’aura jamais. Je ne peux pas envisager que ce "deuil" à faire de ce qui nous manque, n’ait pas à être accompli par l’homme aussi quand il le découvre.
Mais s’agit-il encore de "deuil", dans ces conditions ?
L’intimité du couple autour de l’arrivée de l’enfant engendre la tendresse qui porte les trois. Le père y trouve sa place spécifique : aux coeur de la femme qui abrite l’enfant. Ces neuf mois de découverte mutuelle, de prise de position paternelle et d’entrée en relation avec son enfant lui
éviteront de faire "comme" la mère. Lorsqu’aujourd’hui certains pères portent leur bébé contre leur poitrine, ils constatent souvent un mouvement de fouissement qui signifie la recherche du mamelon, car le contact avec la peau est irrésistible. Mais si cette expérience est émouvante et confrontante pour un père, elle n’occasionne malheureusement qu’une déception : Papa n’allaite pas ! Et sans doute a-t-il £1 donner a son enfant autre chose d’essentiel : le soutenir fermement en le tournant vers le monde et non vers lui. J’entendais une adolescente dire : "Quand je sors le soir et que mon père me dit de bien me couvrir parce que je vais avoir froid, ça me rend folle ! Je n’ai pas besoin d’une deuxième mère, ni d’une nounou, je veux un père, je veux mon père !" Aujourd’hui ou la violence se manifeste à découvert partout autour de nous, il est urgent de comprendre que les premières violences que nous subissons peuvent être perpétrées sans coup ni bruit ni effusion de sang, seulement dans l’amputation invisible des besoins fondamentaux de l’être humain : recevoir avant tout la reconnaissance de ce que nous sommes la vie humaine en devenir, qui s’accomplit à travers nous, enfant de deux êtres différents et unis, ne fut-ce qu’un court instant. ]e sais que l’intimité possible autour de la naissance transforme et rapproche les couples ; beaucoup en témoignent après avoir accompagné ainsi leur enfant., c’est un enrichissement du langage érotique, dans la sécurité affective, un déploiement de la personne humaine, homme et femme. Et puis alors que nous pouvons croire avoir choisi librement notre partenaire, nous pouvons aussi découvrir que nous sommes encore bien souvent "mariés" par nos parents, a notre insu ; je veux dire par notre histoire, celle du clan familial, du "socius" ; mais il peut advenir que nous choisissions d’accomplir ensemble le chemin qui reste à faire vers l’individuation, et que nous travaillions a trouver plus de liberté à être la femme, l’homme que nous sommes, a aimer autrement et ensemble. C’est dans la reconnaissance de nos besoins et attentes d’enfance que nous pouvons vivre pleinement une sexualité adulte délivrée des fixations infantiles.

Nous sommes doués d’affectivité

C’est dans la restauration en nous de la sécurité affective qui a pu nous manquer en différents temps cruciaux de notre développement, que l’haptonomie poursuit l’accompagnement qu’elle propose autour de la naissance, et jusqu’a la fin de la vie quand elle permet à l’affectivité de soutenir l’accomplissement du dernier acte humain : mourir vivant.
Cette rencontre proche permet aussi de faire la différence entre intimité et intériorité ; c’est lorsque je suis très proche de l’autre que nous pouvons sentir la différence entre ce qui se passe entre lui et moi, dans un "nous" d’amour, ce qui se passe à l’intérieur de lui et que je ne connais pas, et ce qui se passe à l’intérieur de moi et qu’il ne connait pas non plus. De sorte que ce qu’il peut y avoir de fascinant dans l’accueil de la vie naissante puisse aussi nous permettre de reconnaitre ce qui, de cette lumière, appartient à la rencontre de cet enfant-la et ce qui appartient à la notre, cachée, enfouie quelque part au fond de nous, révéle et ranime par la rencontre, enrichie d’une nouvelle expérience.
J’aimerais rappeler ici un très beau texte de Martin Buber extrait de son livre " JE et TU ", malheureusement épuise dans son Edition française (Aubier-Montaigne 1981) :
"C’est l’instinct de la relation qui est primitif, c’est lui qui se creuse et se gonfle d’avance, comme la main ou vient se blottir le partenaire
Au commencement est la relation qui est une catégorie de l’être, une disposition d’accueil, un contenant, un moule psychique ; c’est l’apriori de la relation, le TU inné. Les relations réelles sont les incarnations du TU inné dans le TU rencontre [...] Dans le besoin tactile (besoin d’entrer en contact d’abord tactile puis visuel avec un autre être), le TU inné se manifeste de très bonne heure et exprime de façon de plus en plus nette la réciprocité, la tendresse... Le développement de l’âme chez l’enfant est intimement lié au développement du TU, aux satisfactions ou aux déceptions qu’éprouve cet instinct, au jeu de son activité et au sérieux tragique de son désarroi [...] L’homme devient un JE au contact du TU.”
J’ajouterai seulement que si l’amour circule entre deux êtres, c’est dans ce temps ou ils sont vraiment comme des pôles, père et mère, reliés à la terre et au ciel. Et en effet dans cette présence partagée où chacun des deux peut être en sécurité dans l’authenticité de soi, un sentiment d’appartenance à l’humanité vient nous rappeler qu’il s’agit d’abord d’amour...

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